1912-1944 - Jean Roupain :
Né à La Madeleine le 29 juin 1912, il habitait chez ses parents à Linselles jusqu'à son mariage avec Simone Wallez de Tourcoing, le 12 octobre 1935. C'est à Mouvaux que le couple s'est établi jusqu'à l'évacuation due à la guerre.
En 1933, Jean Roupain a été incorporé dans l'aviation lourde de défense en qualité d'observateur en avion. Il a suivi avec succès la formation E.O.R en 1934. Libéré de ses obligations le 15/10/1934, il est affecté dans la réserve et retourne à Linselles où son père, Gaston Roupain, dirige la filature de lin de La Vignette. Par suite de périodes volontaires, il est nommé Lieutenant de réserve.
Il est mobilisé à Bourges le 7/11/1938 et démobilisé le 3/4/1941 après diverses affectations notamment au Bourget, à Toulouse puis à Blida. Jean Roupain revient donc auprès de sa famille et prend son poste de responsable à la Cie des Mines, Fonderies et Forges d'Alais à Tamaris près d'Alès (Gard).
Jean Roupain a été nommé à l'ordre de l'Armée Aérienne comportant l'attribution d'une part : de la Croix de Guerre avec étoile vermeil le 26 juin 1940 par l'aviation de renseignement et d'autre part : de la Croix de Guerre avec palme par le secrétaire d'état à l'aviation le 24 avril 1941. Ses états de service décrivent quelques missions effectuées dans des conditions difficiles, réussies grâce à son zèle et sa bravoure dans l'accomplissement des instructions reçues.
Exemple de la citation du 24 avril 1941 :
Lieutenant Jean Roupain : Magnifique officier observateur faisant preuve en toutes circonstances, d'une énergie farouche, d'une audace réfléchie, d'une bravoure éclatante ; volontaire pour les missions les plus dangereuses et les plus délicates. Le 9 juin, après un véritable assaut livré, jusqu'à complet épuisement des munitions, à des colonnes motorisées ennemies et leur avoir causé des pertes sérieuses, a dû atterrir, son avion criblé d'obus de petit calibre, sur un terrain de fortune à l'arrière des lignes. Blessé à la tête et à la jambe, ne s'est rendu à l'hôpital qu'après avoir téléphoné au commandement les importants renseignements recueillis au cours de sa mission. Ayant refusé de se laisser évacuer, a rejoint son groupe air. Les 16 et 21 juin, II a encore exécuté d'une façon particulièrement brillante des missions de reconnaissance en vol rasant.
Tout jeune à l'époque, je me souviens des alertes. Lorsque nous étions à l'école on nous faisait rentrer d'urgence chez nous. Nous étions dans une maison relativement proche des usines et pendant la nuit, lorsqu'il y avait une alerte aérienne, mon père nous réveillait et nous emmenait en campagne où nous avions instruction de ne pas bouger du fossé où nous étions et surtout de nous coucher si nous voyons quelque chose tomber du ciel. J'avais grand plaisir d'accompagner mon papa dans un hangar retiré, avec son groupe de jeunes gens pour faire du modélisme d'avion. En réalité, c'était un moyen discret pour réunir le groupe de résistants. Souvent, il partait à vélo dans des fermes amies et ramenait des victuailles pour la famille. L'approvisionnement était difficile.
Il avait une bonne situation et pouvait participer et faire participer des membres de l'usine à son action. C'est ainsi que Robert Marion a pris des activités de résistance sous son conseil. J'ai eu le plaisir de faire sa connaissance bien plus tard et cet homme nous a renseignés sur les nombreuses et utiles activités de mon père qui était responsable d'un réseau local. C'est ainsi qu'il a rencontré des résistants bien connus tels que Jean Moulin. Il était dans l'armée secrète et avait contact avec l'Angleterre, peut-être avec son jeune frère Bernard qui y était en formation spéciale. Monsieur Robert Marion nous a conduits en 2012 dans une auberge située dans la Cévenne à "Les Avres" (les vents). Endroit perdu dans les collines boisées où j'ai pu m'asseoir sur la chaise qu'occupait mon père lors d'une rencontre tactique avec le colonel Rémy (adjoint du général De Gaulle), le commandant Mistral (Antonin Combarmond) commandant du FTP, le commandant Audibert (Michel Bruguier) commandant des FFI, Jean Moulin et le jeune Marion. (note: FTP : Francs Tireurs Partisans ; FFI : Forces Françaises de l'intérieur).
Le but de la résistance alésienne et cévenole était, en cette période troublée de 1944, de freiner la progression des troupes allemandes qui désiraient parvenir le plus rapidement possible sur les lieux de combats entre les troupes d'occupation et les alliés
débarqués en Normandie. C'est ainsi qu'au mois d'août 1944, de nombreux accrochages ont eu lieu entre les maquis des Cévennes et les troupes allemandes.
Le 23 août, le commandant Max PASCAL, des FFI d'Alès, décide d'envoyer une équipe reconnaître l'avancée d'une colonne allemande annoncée sur la route d'Uzès. Le groupe de reconnaissance était composé du docteur Chabaud, du capitaine Jean Roupain et des résistants André Aboulin, Ponge et Boiral. Jean Roupain, à moto, précédait la voiture conduite par André Aboulin. Arrivés à hauteur de Baron, ils rencontrent la colonne allemande. Les Allemands utilisent leurs armes automatiques lourdes. Au cours de ces tirs, Jean Roupain est blessé, ainsi qu'André Aboulin qui tentait de faire demi-tour sur la route. Chabaud et Ponge réussissent à s'échapper dans les vignes et la colline toute proche. Boirai, resté auprès de Roupain et Aboulin blessés est fait prisonnier. Il sera échangé plus tard contre deux officiers Allemands. Jean Roupain et André Aboulin seront sauvagement achevés à l'arme blanche.
Je me souviens de mon père sur sa moto, nous disant au revoir alors qu'il partait pour sa dernière mission. Ma mère écrivait quelques temps après : Je lui ai dit de ne pas partir, il avait fait assez son devoir depuis le début de la guerre et ses enfants étaient trop nombreux pour repartir. Il disait : II y a trop de jeunes qui se font tuer, il faut qu'il y ait des officiers pour les diriger sinon ils vont se faire massacrer. Hélas, il est parti et n'est pas revenu. Il avait 32 ans et une femme avec six enfants. J'avais cinq ans.
J'ai le souvenir qu'avec mes deux sœurs ainées nous avons été réveillés par les pleurs de ma mère à laquelle des hommes venaient de lui apprendre le décès de mon père. Nous sommes descendus et je me vois encore assis dans un des deux grands fauteuils de cuir du salon, complètement abattu par la nouvelle que je venais d'apprendre sans vraiment bien réaliser,
La citation à l'ordre de l'Armée à titre posthume mentionne : Brillant officier occupant un poste important dans l'industrie minière d'Alès a, grâce à son énergique impulsion, provoqué le départ au maquis d'un grand nombre de jeunes gens. A réalisé de nombreux exploits contre l'ennemi et s'est fait remarquer par son ardeur et son courage en toutes circonstances. A trouvé une fin héroïque le 23 août 1944 au combat de, Euzet les Bains (Gard). Encerclé par l'ennemi avec ses camarades, s'est volontairement sacrifié pour assurer leur repli. A été grièvement blessé et lâchement achevé par un ennemi sans pitié.
Jean Roupain a été nommé le 10 novembre 1948, CHEVALIER DE LA LEGION D'HONNEUR à titre posthume. Il a été déclaré "Mort pour la France".
Notes : - Robert Marion est décédé le 24 avril 2013 à l'âge de 87 ans. Il a été convaincu par Jean Roupain de participer à la résistance. Il a commencé en distribuant des tracts à ses collègues et relations. Très attaché à Jean Roupain, il nous a conduits dans les lieux où les maquisards et aussi mon père ont agi (aux Amelhens, par exemple). Il était Président de l'ANCAC régionale (Association Nationale des Cheminots Anciens Combattants). Nous avons appris beaucoup de choses par lui. Il était fort désireux d'accomplir un devoir de mémoire. Les résistants camisards utilisaient les mêmes caches et les mêmes méthodes, quelques centaines d'années auparavant afin d'échapper aux dragonnades qui faisaient suite à la révocation de l'édit de Nantes.
1907-1944 - André Aboulin :
André Aboulin né le 30 octobre 1907 était mouleur à la Cie des Mines, Fonderies et Forges d'Alais puis taxiteur. Ce dernier emploi lui permettait d'aller et venir et passer des messages d'autant plus qu'il était souvent réquisitionné par la Kommandantur. Il avait une fille, Christiane. Elle avait 11 ans à l'époque. Elle a épousé, Jean Bonnet. Nous les rencontrons tous les ans en été, lors de nos vacances et lors de la cérémonie commémorative qui se fait sur les lieux du combat où une stèle a été érigée.
Non loin de notre maison située à Tamaris au n°4, route de Saint Martin, une rue a été appelée : rue Jean Roupain et une autre rue André Aboulin.
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